Uber utilisait un programme secret pour traquer les chauffeurs de son concurrent Lyft
Le logiciel, baptisé «Hell», permettait de suivre la position des chauffeurs de Lyft et de repérer les conducteurs Uber travaillant pour la concurrence.
Le goût d’Uber pour les logiciels secrets se confirme. Selon The Information, le service américain de réservation de voiture avec chauffeur a utilisé entre 2014 et 2016 un programme lui permettant de suivre la localisation des conducteurs de son principal concurrent, Lyft. Baptisé «Hell», le programme lui aurait permis de maintenir son avance sur l’entreprise, en lui donnant les moyens d’ajuster son offre en temps réel. Début mars, le New York Times avait révélé l’utilisation par Uber d’un autre logiciel, «Greyball», conçu pour esquiver les autorités dans les villes où le service était interdit.
Deux sources anonymes, dont l’une travaillait sur le déploiement de «Hell», ont précisé auprès de The Information le fonctionnement du programme informatique. L’outil générait de faux comptes de passagers. Une fois artificiellement localisés, ces mêmes comptes permettaient d’obtenir l’emplacement des véhicules Lyft à proximité. De quoi permettre à l’entreprise américaine de suivre le déplacement des véhicules de son concurrent, parfois à l’échelle d’une ville entière.
En comparant la localisation des voitures Lyft avec celle de ses propres employés, Uber pouvait repérer les chauffeurs travaillant pour les deux services et concentrer ses efforts sur les chauffeurs tentés par la concurrence, pour les retenir dans ses rangs. Début avril, une enquête du New York Times avait révélé la nature des astuces utilisées par l’entreprise de Travis Kalanick pour forcer ses conducteurs à rouler pour elle. Le groupe aurait recours à l’envoi intempestif de notifications les incitant à ne pas se déconnecter de son application.
Un nouveau tour de force
Si les informations révélées par The Information venaient à être attestées, Uber pourrait risquer d’être confronté à la justice. Outre le fait de constituer une pratique anti-concurrentielle, l‘utilisation du programme «Hell» pourrait contrevenir au «Computer Fraud and Abuse Act», qui interdit l’accès à un tiers aux données d’une application, sans consentement de cette dernière.
L’affaire vient entacher, une fois de plus, la réputation d’Uber. En février, le groupe a lancé une enquête interne en réponse à des accusations de harcèlement sexuel et de sexisme portées par une ancienne employée, Susan Fowler. L’entreprise a été assignée en justice quelques jours plus tard par une filiale de Google, Waymo, pour vol de technologies dans le secteur des voitures autonomes. Le 7 avril, lors d’une audience face à une cour fédérale de San Francisco, Uber a nié les allégations formulées par Waymo, en indiquant avoir commencé à travailler sur un projet de voitures autonomes bien avant l’arrivée d’Anthony Levandowski dans ses rangs. L’ancien de Google est accusé d’avoir volé 14.000 fichiers confidentiels avant son départ de l’entreprise.